Aujourd’hui 8 mars 2017, pour la 1ère fois depuis des années, une journée de grève a été déposée pour la journée internationale des droits des femmes. L’AMEB Solidaires Etudiant.e.s était à l’origine de l’appel à un rassemblement. A l’issue de ce rassemblement, plusieurs femmes ont décidé de partir en manifestation non-mixte, et n’ont pas été suivies, par refus de la non-mixité. Retour (brochure de l’AMEB, unique organisation anti-sexiste sur l’université de Franche-Comté) sur ce qu’est la non-mixité, trop souvent mal comprise…
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Cette année encore, des hommes ont décrété que les tampons n’étaient pas un besoin, et d’autres ont tenté d’interdire certains types de vêtements sur les plages… Noues en avons assez que ces hommes se mêlent de tout, et en fait, ce qui nous concerne doit être décidé par… noues !
Plus connue sous sa forme de ségrégation (raciale, sociale…), on connaît moins la non-mixité sous sa forme politique, en tant que choix et outil de lutte. Il s’agit du choix de se retrouver exclusivement entre personnes opprimées (ouvrier.e.s, femmes, personnes racisées…)
Utilisée depuis les années 1970 par les populations noires américaines (Black Power) et féministes (Mouvement de Libération des Femmes), la non-mixité est une réponse au constat suivant : les réunions et autres lieux communs d’action et/ou de réflexion mixtes ne permettent pas l’émancipation des personnes opprimées, et la ralentissent au contraire.
– Les camarades dominant.e.s présent.e.s, bien que de la meilleure foi possible, demeurent oppressif.ve.s, car iels ne connaissent pas nécessairement les problématiques liées à l’oppression ou le sont par éducation, et tendent à reproduire les rapports de domination que l’on retrouve dans la société
– Du fait de l’ignorance (personne n’est parfait) de certaines personnes sur les sujets d’oppression, les personnes dominées doivent passer leur temps à expliquer les rapports de domination, ce qui a pour effets d’écarter les problèmes réels et les possibles solutions, de mettre les personnes concernées une fois de plus dans une situation inconfortable et de brusquer les personnes de bonne volonté et pensant sympathiser.
Les femmes comme les personnes racisées peuvent donc avoir recours, en réponse à une domination survenant même au sein de la communauté militante, aux réunions et espaces non-mixtes, qui leur permettent de se retrouver entre elleux. Cela leur permet d’aborder directement les problématiques qui les concernent de manière efficace et sans gêne (parler d’agression sexuelle est assez problématique dans une assemblée masculine), mais aussi de s’émanciper directement des rapports de domination, en prenant davantage la parole ou des rôles importants, dont iels auraient été ou se seraient volontairement écarté.e.s autrement. De cette façon, la non-mixité donne lieu à l’auto-émancipation des personnes dominées en ce qu’elle leur redonne une pleine confiance dans leurs moyens et crée un sentiment de solidarité et de complicité, ce qui permet, une fois de retour en mixité, d’être davantage confiant.e. La non-mixité est donc un outil (et non une fin en soi) non négligeable pour une émancipation directe des personnes opprimées.
Quelques exemples de non-mixité politique
- Le Black Power
Né en 1966 pour lutter contre la ségrégation raciale, le Black Power regroupe différentes oganisations non-mixtes. L’idée est bien de rester en non-mixité de personnes noires afin de ne pas laisser les personnes blanches reproduire les rapports de domination :
« « [Nous] considérions que nous n’avions pas le même rapport à l’État [que les Blancs] et que nous n’avions donc pas à appartenir aux mêmes organisations. (…) Nous imaginions que si des Blancs faisaient partie des mêmes groupes que nous, ils en prendraient la direction (…) Or, comment faire pour se libérer de ce genre de domination, lorsque l’on fait partie de ceux qui ont été asservis, de ceux qui ont été exclus, opprimés, colonisés tout au long de l’histoire? » (Kathleen Cleaver)
- Le Mouvement de Libération des femmes (MLF)
Constitué de plusieurs associations et collectifs, le Mouvement de Libération des femmes œuvre lui aussi en non-mixité. Les réunions, actions, publications, sont ainsi menées par et pour les femmes, et conduisent à des avancées massives pour les droits des femmes. Le MLF contribue ainsi (entre autres) à la dépénalisation de l’avortement (1974), au remboursement de l’Interruption Volontaire de Grossesse, à la parité dans les milieux politiques…
Pourquoi la non-mixité politique est-elle gênante pour certaines personnes ?
La non-mixité pose surtout problème aux personnes dominantes, qui ne comprennent pas qu’elles ne puissent pas participer à la libération des personnes dominées ou refusent de comprendre que pour qu’émancipation et égalité il y ait, il faut que les dominant.e.s lâchent certains de leurs privilèges. A cela nous répondons que : 1. Noues noues baignons allègrement dans les HSBC Tears[1], 2. L’auto-émancipation est non négociable.
Il ne s’agit pas d’exclure une partie des militant.e.s mais bien de parler entre concerné.e.s des problèmes qui les concernent (logique, non ?). A celleux qui pleurent sur le sexisme anti-hommes et le racisme anti-blancs, noues rappelons que cela n’existe pas et qu’une occultation mensuelle ne fait pas système, contrairement au sexisme et au racisme réels.
Enfin, il est bon de se souvenir que personne ne crie au scandale quand les réunions excluent les militant.e.s d’extrême droite ou les patron.ne.s (pour ne citer qu’elleux) ou quand la non-mixité s’organise en cuisine.
*BISOUS MISANDRES[2]*
[1] Larmes d’hommes straight (hétérosexuels) blanc cisgenres (à qui le genre attribué à la naissance convient). Expression humoristique qui vise à montrer que là où les personnes les plus privilégiées crient au scandale, les personnes à qui ils s’en prennent vivent de véritables oppressions au quotidien, et que la comparaison n’est pas tenable.
[2] La misandrie n’existe pas.